Goma : Entre Silence et Résistance !

Ville de Goma. Photo: Justin Kasereka

Goma, ville force

Goma, la ville qui m’a vue naître.

La ville qui se meurt à petit feu.

La ville résistance !

La ville résilience !

La ville qui a toujours défendu les valeurs.

Aujourd’hui prise au piège dans son silence.

Silence de ceux qui sont censés prendre la parole.

Silence de ceux qui ont été choisis.

Silence de ceux qui ont choisi.

Silence coupable.

Silence de nos défenseurs.

Aujourd’hui, chacun doit prendre sa bouche.

Quand on refuse, on dit Non.

Quand on refuse, on dit, comme le rappelle Awadi, non.

Quand allons-nous refuser ?

Quand allons-nous souligner que trop, c’est trop ?

Quand allons-nous mettre en cause ?

Quand allons-nous nous reconstruire ?

Aujourd’hui ? Ennemi et ami se mélangent contre nous.

Et tous nos futurs beaux projets ?

Et toute l’amour envers le Congo ?

Et toutes les promesses politiques ?

Et tout notre espoir !

Et tous ces morts loin de la zone de combat ?

Aujourd’hui, plusieurs maisons sont devenues des casernes.

La lumière devient encore sombre.

Qui pour la luire ?

Quand on refuse, on dit non…

Par Innocent Buchu

Un autre tabou, l’avortement.

Écrire sur un sujet tel que l’avortement vous expose aux jugements, la communauté ne le conçoit pas bien surtout si vous ne prenez pas une certaine position. A plus forte raison à celui/ celle qui se donne à interrompre volontairement une grossesse ou à un médecin qui facilite l’avortement.

L’avortement, un sujet assez controversé dans nos différentes communautés. Pourtant les cas d’avortement sont légions dans notre communauté depuis des années et cela n’est pas prêt à changer.

Illustration: une échographie. — SUPERSTOCK/SIPA

La République démocratique du Congo est un pays laïc. Environ 100 pourcent de ses populations sont croyantes. Et la majorité est chrétienne. Dans la communauté congolaise, la grossesse est un cadeau de Dieu. Et l’avortement reste un péché devant les yeux de l’Eglise. L’Église recommande aussi aux femmes de donner un nom à un avorton et de prier pour ce dernier. Les avortons font partie de saints innocents que l’Eglise célèbre.  

L’état s’appuie également sur la sacralité de la vie. L’avortement est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à six ans de prison. L’avortement est autorisé,  dans certains cas exceptionnel qui s’appuie sur l’éthique et la déontologie médicale : L’agression sexuelle ou cas viol, en cas d’insiste et au cas où la vie de la mère en danger c’est-à-dire en cas d’une grossesse à haut risque. Pourtant  la grande majorité des cas d’avortement en RDC  ne proviennent pas de ces cas d’exception. Les femmes qui cherchent à se faire avorter sont principalement jeunes, célibataires. Nombreuses sont par ignorances des questions sur la sexualité qui reste un tabou dans des familles, et la méconnaissance sur la contraception. Six grossesses non désirées sur 10 se terminent par un avortement provoqué indique l’organisation mondiale de la santé.

Pour contourner la loi restrictive en RDC, plusieurs femmes choisissent un avortement clandestin. Et cela dans des conditions susceptibles de mettre la santé reproductive de la femme en danger si pas sa vie. Il peut entraîner des complications physiques et mentales. Plusieurs victimes sont les jeunes filles célibataires de 15 à 19 ans. L’avortement non sécurisé constitue l’une des principales causes de décès maternel.

Selon l’OMS, 25 millions d’avortements non sécurisés réalisés à travers le monde dont la majorité se réalise dans les pays en voie de développement.

Plusieurs recherches ont prouvé que la restriction de l’avortement n’a aucun effet sur sa fréquence des avortements. Dans les pays où les restrictions sont les plus sévères, seul un avortement sur quatre est sécurisé, contre près de neuf sur dix dans les pays où la procédure est largement légalisée.  Environ 45% de l’ensemble des avortements sont non sécurisés, dont 97% ont lieu dans les pays en développement. Pour l’OMS, l’avortement est une intervention sanitaire courante. Mais exigeante. Elle demande une tactique adaptée à la durée de la grossesse et quand la personne pratiquant l’avortement a les compétences nécessaires.

Selon certains acteurs dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, plusieurs mariages précoces chez les adolescentes sont évitables… Mais il est aussi possible de parler aux plus jeunes de la santé sexuelle et reproductive pour éviter certaines possibilités difficiles à choisir. Vaut mieux prévenir que guérir dit-on !

  • Par Innocent Buchu

Santé sexuelle et reproductive: Mythe autour du  Protocole de Maputo

Plusieurs activistes des droits des femmes se sont activées sur le continent pour vulgariser le protocole de Maputo. Ce dernier est encore appelé Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits de la femme en Afrique. Adopté en 2003 dans la capitale du Mozambique, Maputo.

Innocent Buchu

Bien que publié depuis mars 2018 au Journal officiel, le Protocole de Maputo souffre encore d’application en RDC, notamment son article 14, 2.c qui favorise les femmes à un accès au service d’avortement sécurisé, sûr et légal en cas de viol, d’inceste, d’agression sexuelle et celles dont les grossesses menacent leur santé physique et mentale, leurs propres vies ou celle de leurs fœtus.

Ce quoi exactement ce traité international juridiquement contraignant sur les Droits de la femme que certaines utilisent dans le débat à tort et à travers.

Je vous invite à suivre notre échange avec des experts en la matière. La vidéo date de 2019 et je juge bon de la partager encore aujourd’hui à cause d’un débat que j’ai suivi sur cette matière.  N’hésitez surtout pas aussi à partager des updates sur cette question en commentaire.

Merci

Les oubliés de la « communauté H »

Qui sont-ils ?

Notre société humaine actuelle, qui se veut universelle, se subdivise en des petites communautés qui se forment selon qu’on a des ressemblances physionomiques, psychologiques ou physiques. C’est comme ça que dans une société quelconque, vous pouvez retrouver les regroupements par ethnies, par races ou couleurs de peau, par rangs sociaux, par fréquentations religieuses ou professionnelles, … Et quand les personnes se regroupent ainsi, tous ceux qui ne les ressemblent pas sont ou se sentent exclus, marginalisés, oubliés, …

C’est ainsi que la « communauté » qui a retenu mon attention aujourd’hui est celle des personnes vivant avec handicap. Il suffit de dire personnes vivant avec handicap pour que l’image précise qui se fixe à l’esprit de celui qui entend ou même de celui qui parle, soit l’image d’une personne à démarche claudicante, une personne qui utilise des béquilles, une personne en chaise roulante, … bref, une personne présentant une malformation physique (de naissance ou pas), une personne amputée de membres supérieurs et/ou inferieurs, très visible. Et souvent, certaines autres personnes sont oubliées dans cette communauté : entre autres celles avec handicap mental, les malvoyants et aveugles, les malentendants et sourds/muets, des muets. Pourtant tous font partie, pour une raison ou une autre de cette communauté des personnes vivants avec handicap, que j’ai décidé d’appeler la communauté H. Dans tous les cas, mes écrits se réfèrent à mon expérience personnelle, dans les endroits de mon pays que j’ai visité ou où j’ai vécu ou travaillé.

expo photo sur la personne en situation d’handicap à Goma. Ph. CollectifGoma

Qu’en est-il de leurs vies en communauté ?

J’ai eu l’opportunité de vivre parmi certains de ceux que j’appelle « les oubliés de la communauté H », les malentendants, les sourds et sourds-muets. L’expérience parmi ces gens a été pour moi très enrichissante mais aussi, je me suis rendu compte de tellement d’obstacles qu’ils doivent braver dans leur vie quotidienne

La vie en famille et en communauté

Etre un sourd, un sourd-muet ou un malentendant est une vie de perpétuels défis à relever commençant dans sa famille nucléaire, puis en communauté. Ces personnes sont, pour la plupart, les oubliées de leurs familles. C’est le premier endroit où elles ressentent le rejet ou le manque d’attention soit des parents, soit des frères, soit des cousins ou même de tous, même dans la communication. Il est rare, alors très rare de prendre leurs avis pour les décisions qui doivent etre prises, tout se décide sans elles, même si c’est pour leurs intérêts. Elles sont dans ce cas, souvent réduites au silence.

Pour la plupart, elles ne sont pas scolarisées. S’il arrive que certaines le soient, bien d’entre elles ont des parents qui ne s’impliquent pas vraiment dans leurs éducations scolaires. De tous les enfants dans les familles, ce sont elles qui peuvent arrêter les études s’il n’y a pas assez d’argent. Par moment, même s’il y a de l’argent, les parents le sortent difficilement pour payer les frais simplement parce qu’ils se disent que cela ne sert à rien, l’enfant présentant ce handicap ne servira à rien pour la société, moins encore pour la famille. Nombreux parents les laissent grandir sans prendre en compte leur éducation de base. Et ce, parce qu’ils ne savent pas trouver un moyen de communiquer.

Dans la communauté, il est facile de trouver aux enfants ou même adultes présentant ce handicap auditif des surnoms, des sobriquets et souvent qui soient humiliants. D’ailleurs le mot « sourd » se conçoit comme une injure qui peut être lancés à des personnes normalement constituées, sans handicap.

A bien d’égards, les gens considèrent, par ignorance, la surdité comme un signe d’idiotie, de déficience mentale, empêchant les personnes qui en souffrent d’apprendre quoi que ce soit. Cela ne s’observe pas que dans les familles ou la société, mais c’est aussi une conclusion qui peut être tirée pour comprendre la passivité ou l’absence de l’État dans la création ou l’encadrement des écoles spécialisées pour personnes atteintes de surdité sous toutes ses formes.

Un défi lié à l’Accès à l’éducation

Il est connu que l’école sert à maintenir le cerveau en marche, à acquérir des compétences qui rendent les enfants aptes à apprendre toute leur vie. L’école leur offre une formation diversifiée et cela pour les aider à être polyvalent, à mieux se connaître(personnellement) et à trouver un métier qu’ils aimeraient.

Se référant à une citation célèbre d’un acupuncteur, auteur et libre penseur, Steve Lambert qui dit que « l’éducation nous suit toute une vie, mais le manque de savoir détruit ta vie », que nous voyons à quel point tout le monde veut bénéficier et faire bénéficier ses enfants de l’éducation. C’est dans cette même perspective qu’en se basant sur certains statistiques, on entendra par exemple que la République Démocratique du Congo (RDC) a réalisé des avancées significatives vers l’accès universel à l’enseignement primaire au cours de dernières décennies car le taux net de fréquentation était passé de 52% en 2001 à 78% en 2018 mais 7,6 millions d’enfants âgés de 5 à 17 sont toujours hors de l’école[1]. Mais les grandes questions restent de savoir quelle était la part du gouvernement dans cette croissance de chiffre sachant que « l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit » (art 43 de la Constitution de la RDC) et de ces chiffres, combien étaient des personnes vivant avec handicap, plus encore les personnes atteintes de surdité ?

Alors que l’article 37 de la même Constitution dispose que : « L’État garantit la liberté d’association. Les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l’éducation des citoyennes et des citoyens… » ; le gouvernement n’a en aucune fois appuyé les associations, les structures privées ou religieuses qui ont créés des écoles spécialisées adaptées aux personnes atteintes de surdité. Aucune infrastructure, équipement ou même formation du personnel enseignant de ces écoles. Mieux encore, même si ces écoles existent dans certains coins, il se pose aussi un problème lié aux frai de fonctionnement vu que même les parents ne sont pas assez ouverts à payer les frais pour les enfants atteints de surdité. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’il réfléchit sur l’harmonisation de la langue de signe et encore, l’initiative ne vient que des organisations.

Si, rien que pour les écoles du niveau primaire on ne sent pas la présence de l’État, peut-on espérer avoir aussi un enseignement universitaire pour enfin avoir des personnes atteintes de surdité compétir pour certains postes de responsabilité autant que celles qui n’en ont pas de la même façon que le combat se fait pour « les personnes vivant avec handicap » au sens de la compréhension du citoyen lambda ? Je ne dirai même pas la compréhension du citoyen lambda parce que, même lorsque les autorités étatiques s’expriment au sujet l’intégration des personnes vivant avec handicap dans le monde professionnel, elles ne ressortent pas les cas des personnes atteintes de surdité ou celles de malvoyance ou non-voyance alors que toutes ont des compétences qui peuvent toujours servir même dans le monde professionnel. Rien qu’en observant la société actuelle, on peut simplement conclure que les non-voyants sont plus orientés vers la mendicité et les malentendants ou sourd sont limités à la couture de fortune, la menuiserie, la cordonnerie alors qu’ils ont assez des compétences dans les math, l’art, la cuisine, l’informatique, … mais n’ont pas formation scolaire adaptée à leur disposition.

Que se passe-t-il quant à l’Accès à la justice et à la santé pour ces oubliés de ma communauté H ?

Accès à la justice

En RDC, de manière générale, l’accès à la Justice est très difficile. Une des entraves est le coût élevé que les populations pauvres et vulnérables ne peuvent pas assumer. Et pour etre plus spécifique, dans le cas des personnes atteintes de surdité, l’accès à la justice est encore plus difficile. Parce que, non seulement la plupart de ces personnes vient des familles vulnérables et incapables de supporter le coup de la justice, mais aussi se buttent à des sérieux problèmes d’interprétation face aux juges, conseils et tout le personnel judiciaire en interaction avec elles. La réalité c’est que même si elles sont représentées, elles n’ont personne qui traduisent fidèlement leurs expressions face à tous ceux qui interagissent avec elles. Ce qui fait que les faits ne sont toujours pas présentés ou compris dans leurs intégralités tels qu’ils ont été présentés mais tels que chacun voudrait comprendre ou voudrait qu’ils soient.

Nous sommes tous sans ignorer qu’en temps normal, tout comme en situation de conflits et des catastrophes, l’éducation/l’école peut à la fois protéger et sauver des vies. Il en est de même que le travail, pour les adultes, il les protège, les aide à avoir confiance en eux et leur permet d’etre à l’abri du besoin. Mais la plupart des personnes atteintes de surdité ne fréquentent pas l’école (pour les enfants) et sont sans emploi (pour les adultes). Cette situation les expose beaucoup, soit aux activités repréhensibles par la loi (souvent pour méconnaissance) où se retrouvent victimes d’actes infractionnels de la part des personnes de leurs sociétés qui, du reste, n’ont aucun respect pour leurs dignités.

Accès à la Santé

En République Démocratique, la qualité des soins de santé dont bénéficie la population demeure faible et les indicateurs sanitaires inquiétants. Face à cette question d’accès aux soins, je ne peux vraiment ressortir une situation particulière pour les personnes atteintes de surdité vu qu’elle est générale à tous les Congolais et que même certains enfants se retrouvent sourds pour mauvais prise en charge sanitaire du personnel soignant ou négligence des parents à leur naissance.

Dans un monde où avoir l’information c’est avoir le Pouvoir, que se passe-t-ils pour les sourds et malentendants ?

Le droit à l’information est reconnu par l’ONU durant sa première session et la Déclaration Universelle de droit de l’homme dans ses articles 19 et 27 reconnait cela pour tout homme. L’accès à l’information est un des droits inaliénables dont a besoin chaque peuple pour connaitre la gouvernance de son pays. Ce droit n’est pas limité qu’aux professionnels de média mais à tout homme quel que soit sa nationalité et son rang social. Seulement, voilà qu’en RDC ce droit n’est pas garanti à la population et les plus oubliés restent les personnes atteintes de surdité.

Ayant déjà posé un problème lié à l’éducation des personnes atteintes de surdité, il est facile de comprendre pourquoi et comment elles restent sous-informées, moins informées ou non informées. Certains d’entre nous peuvent penser qu’avec l’avènement des téléphones androïde l’information atteint tout le monde, les sourds inclus. Mais le souci c’est que si plus de la moitié de la population congolaise n’a pas les moyens de se procurer ce genre de gadget et se contente soit des téléphones non intelligents ou de rien, à plus forte raison les personnes atteintes de surdités qui viennent – pour la plupart – des familles pauvres ! Au-delà de cet aspect, pour ceux qui utilisent les téléphones androïde, avec l’usage abusive des réseaux sociaux et la parole accordée à tous derrière un clavier, il y a plus de fake news que des informations. Pour ceux qui peuvent posséder des télévisions, il n’y a pas des traducteurs pour sourds. Et lorsqu’enfin il peut y en avoir, il se pose automatiquement un problème d’harmonisation des signes. Ce qui est à la base de la mésinformation.

Nous pouvons observer dans nos communautés, les personnes atteintes de surdités sont les plus victimes de viol et plusieurs autres abus, d’accidents, … et très manipulables, simplement parce qu’en plus d’une situation qui peut psychologiquement s’expliquer, elles n’ont pas non plus les informations nécessaires pour se prévenir de certaines situations. Un exemple très simple, lors de sensibilisations des populations sur les épidémies comme Ébola ou le Covid 19, quels mécanismes ont été mis en place pour que les sourds, sourds-muets, malentendants comprennent les messages diffusés ? En cas de catastrophes, il n’y a jamais des précautions prises pour informer les oubliés de la communauté H des mesures à prendre pour se protéger de quoi que ce soit. D’où, je peux conclure qu’ils ne sont pas que des oubliés de la communauté H, ils le sont de toute la communauté congolaise !

Ce que j’ai retenu de ma proximité avec les oubliés de la communauté H

Premièrement, ce que j’ai toujours observé chez des personnes atteintes de surdité c’est qu’elles sont solidaires, serviables les uns envers les autres. Ces personnes sont unies, s’entraident mutuellement. Elles sont l’exemple parfait de la devise « un pour tous, tous pour un » en dépit de quelques exceptions. Ces personnes se portent mutuellement secours même si elles ne se connaissent pas. Il suffit que l’une se rende compte que l’autre est comme elle pour lui prêter son aide. Elles font des efforts pour communiquer entre elles même si les signes ne sont pas les mêmes entre celles qui ont fréquenté l’école (spécialisée) et celles qui n’ont pas jamais été sur le banc de l’école. Elles ont aussi, surtout pour celles qui ont eu une instruction scolaire, une capacité de recréer la langue de signe en vue de communiquer plus librement, parfois sans se faire comprendre par ceux qui les encadrent (ils codifient leurs conversations). Ce qui est malheureusement aussi une faiblesse de cette langue de signe en RDC.

Deuxièmement, en rentrant en contact avec une école des sourds en ville de Butembo, à l’Est de la République démocratique du Congo, j’ai observé qu’il y a quelques personnes soucieuses des personnes atteintes de surdité qui essaient un tant soit peu à accompagner cette école ou les élèves de cette école dans l’apprentissage des professions comme la couture, la menuiserie, la mécanique et peuvent même les prendre dans leurs ateliers. Seulement, ce n’est pas suffisant. J’ai aussi apprécié la politique de l’école qui intègre les entendants, en classes séparées pour les basses classes et en classes terminales du primaire. Cela permettrait des interactions dans les échanges et les communications et même l’apprentissage par les pauvres. Les entendants serviraient aussi d’interprètes pour les malentendants et sourds au sein de la communauté et permettront à d’autres personnes d’avoir un regard plus bienveillant envers eux.

En ville de Goma, aussi dans l’Est de la République démocratique du Congo, j’ai vu des personnes atteintes de surdité qui, étant allée à l’école, s’engagent dans leurs vies, à accompagner d’autres, même celles qui n’ont pas fait d’école simplement pour les aider à être productives pour la société, pour leur santé mentale et pour arriver à subvenir à leurs besoins. Ces cas sont légion mais celui qui a plus attiré mon regard est celui d’une organisation locale : Association des Femmes Sourdes. Cette organisation a été créée par une dame malentendante, soucieuse de voir d’autres femmes et jeunes filles s’en sortir financièrement sans etre obligées à se retrouver à la rue à se prostituer ou à mendier car elle savait à quel point elles peuvent etre vulnérables dans ces endroits. Ces femmes apprennent à confectionner des œuvres d’art, des vases, des sous-plats avec des morceaux d’étoffes et des bouchons des bouteilles. Malheureusement, les acheteurs de ces œuvres sont presque rares. Par moment il leur faut compter sur la bonne foi de certains expatriés ou certaines agences des Nations Unies pour acheter leurs œuvres pourtant belles.

Mais, il y a une autre ville de la RDC, toujours à l’Est, où j’ai rencontré des sourds qui se font vraiment manipuler par des organisations qui se disent être de leurs défenses. Il leur est remis un document, avec logo de l’organisation, sur lequel il est clairement écrit que le porteur de ce document est un sourd et qu’il aurait besoin d’aide. Que la personne à qui ce document est montré, fasse signe de charité en donnant quelque chose (de l’argent) au porteur. Une fois j’ai discuté avec le porteur de ce document (malheureusement je n’avais pas retenue le nom de l’organisation), il m’a expliqué que tous remettaient à l’association ce qu’ils avaient amassé pendant la journée. Et une fois tout mis ensemble, on partageait à chacun une part et l’organisation en gardait une pour lui permettre de fonctionner. J’étais très choquée d’entendre ça mais je n’y pouvais rien.

Troisièmement, une question m’a longtemps été posée par des personnes que je rencontrais quand j’avais décidé d’apprendre la lague des signes : Pourquoi est-ce que vous apprenez cette langue ? Est-ce parce que vous avez un projet d’école pour les sourds ? Est-ce parce que vous êtes dans une école des sourds ? Est-ce parce que vous êtes avocate et que vous avez un client sourd ?… Et autant d’autres raisons. Et moi, je n’ai qu’une seule réponse : Pourquoi pas ? Tous les jours nous voyons naître des centres d’apprentissage des langues dans nos villes : centres d’anglais, d’espagnol, d’italien, de chinois, de portugais, de russe, d’arabe, … et des gens les fréquenter dans le but de connaitre les langues étrangères afin d’interagir avec des étrangers qui les parlent, chez nous ou ailleurs dans le monde où l’on peut voyager. Alors pourquoi ne pas non plus apprendre à signer pour faciliter l’interaction avec les personnes qui vivent autour de nous, avec nous et même dans nos maisons ! N’est-ce pas injuste de chercher à savoir parler à un chinois qu’on croise en cours de route que de bien communiquer avec un sourd qui fait partie de notre famille ! et comme toutes les langues, moins on la manipule, plus elle disparait de notre esprit.

En fin, je l’ai dit tantôt que cette catégorie de personnes est plus manipulable. Dans mes différentes conversations avec les personnes atteintes de surdité, j’essayais de comprendre pourquoi il y a plus des jeunes filles victimes de viols ou des mères célibataires. Plusieurs réponses m’ont été données et j’ai retenue celle-ci : Étant dans une société où il est difficile de communiquer, où l’on passe inaperçue, où l’on ne peut avoir une relation amoureuse normale avec les entendants, où on n’a pas assez de sensibilisations sur les violences sexuelles et les violences basées sur le genre, il est normal qu’on en arrive là. Les jeunes filles se sentent belles et en confiance lorsqu’elles savent qu’il y a des hommes qui peuvent s’intéresser à elle pour ce qu’elles sont. Mais dans le cas précis où la communication pose le premier problème au sein de la communauté, la plupart de fois lorsque les entendants abordent les filles malentendantes, sourdes ou sourd-muettes, ils savent que c’est une situation un peu gênante face à leurs paires. Ce qui fait qu’ils le font en cachète, pas pour protéger ces filles mais parce qu’ils sont en même temps dans le déni. Or souvent quand on ne peut pas se sentir libre à vivre sa vie, il est possible de ne pas en avoir. C’est ainsi qu’au lieu d’éprouver de l’amour envers elles, ils en éprouvent plus du désir. Mais aussi il y en a qui sont simplement animés par la curiosité de savoir comment ça se passerait, qu’est-ce que l’on ressentait quand on faisait l’amour à une fille sourde. Et malheureusement, se sentant souvent exclues de la société, les filles ne cherchent pas à savoir le sens de la relation entretenue tellement elles sont mises en confiance et se sentent valorisées, reconnues par des hommes entendants. C’est de cette manière que plusieurs sont délaissées après avoir conçue, les hommes nient les grossesses ou simplement disparaissent de leurs vies.

  • Par Annie Mutogherwa Venge